10.1.09

Machu Pichu, Cuzco, Pérou

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Heure des nimbes. Le train s'enfonce dans une étroite vallée, encaissée au milieu de ces montagnes ovales qui semblent porter en elles toute la force et la vigueur de la terre. Elles sont sorties de terre comme des poings dressés vers le ciel et n'ont pas pris la peine de se donner les douces formes érodées du temps. Infini de ce paysage tout en tranchant et petitesse de l'homme au creux des hauteurs qui le dominent. Mais les Incas ne se sont pas résignés au fin fond de la vallée et ont gravi les pentes abruptes pour ériger une cité à la face du ciel.

Arrivée au Machu Pichu, le site est encore plongé dans une forêt de nuages. Au bord des terrasses, à la limite du vide, le dentelle des brumes matinales découvrent peu à peu un espace de pierres bâti, puis un autre, la crête d'un sommet, une rangée de maisons, des temples emboîtés. Le brouillard épais voile et dévoile chaque pan de la ville sacrée, le regard se perd dans un paysage irréel et transcendant qui ne se donne que par fragments mystérieux et successifs. Et qui semble faire transition entre terre et ciel.

Heure de la lumière. La lumière du soleil vient dissiper tous les nuages et au sein d'un écrin de montagnes, la cité sort de ses nimbes et se révèle dans toute sa densité physique. Nous errons entre les pierres et chaque ruine dit le génie de l'architecture inca. La ville a été creusée dans la chair même de la montagne, aucune pierre n'a été amenée des lointaines contrées. Les roches qui se trouvaient là, indéplaçables, ont été taillées pour servir de fondations aux temples, aux terrasses, aux maisons et même aux escaliers. Comme si la cité était sortie seule des entrailles d'un relief escarpé et hostile.

Midi le juste. Le soleil est à son zénith et le site noir de touristes. Le guide nous fait déambuler entre les vestiges de maisons et des temples et explique tout ce que les archéologues ont réussi à déchiffrer. Spécificité de l'architecture inca qui superpose des blocs rectangulaires de blocs taillés, sans mortier, pierre sur pierre. Énigme des neuf degrés, angle d'inclinaison des colonnes qui fascine encore les architectes du monde entier. Magie de deux cercles creusés dans une roche plane et dont la cavité remplie d'eau reflète les mouvements des astres, du soleil et de la lune. Grandeur d'une pierre sacrificielle au pied d'un grand condor qui emmenait les défunts du monde de l'ici au monde de l'au-delà.
Toutes les interprétations du guide ne font qu'effleurer la profondeur du mystère du Machu Pichu dont on n'a élucidé ni l'origine ni la fin. L'esprit se perd en conjonctures comme le corps se perd dans un labyrinthe de pierres, le Machu Pichu fait renoncer à toute connaissance absolue et défend le mystère sacré d'une cité élevée il y a plus de cinq siècles.



Heure des ombres. A la tombée du soir, quand le flux empressé des touristes s'est progressivement tari, le Machu Pichu a retrouvé son calme et son silence. L'ombre du Wayna Pichu, la "jeune montagne" projette sur les ruines sa longue silhouette noire et élancée. Allongés sur les terrasses agricoles qui surplombent le vide de la vallée, nous abandonnons tout pesanteur terrestre. Nous flottons sur les toits du monde, entre l'ivresse et le vertige de perdre en densité matérielle pour gagner un petit pan d'âme.


Entrega total hacia al mundo del espíritu. No tengo más cuerpo ni densidad física y dejo mi mente irse al infinito del espacio.

Aquí sobre los techos del mundo, no pertenezco más al mundo de abajo, al mundo de los seres humanos, al mundo que cada día me lleva a otro día.

Aquí me parece que si levanto mis brazos al cielo, un dios me va a dar su mano y que con un trémulo dedo puedo tocar el más allá.

Aquí quiero pedir un favor a ese cielo que nunca detiene mi mirada. Con humildad pido. Pido que me dé un corazón puro, una mente clara y las manos valerosas. Solo pido eso para cada día de mi existencia.

Una última vez, miro la ciudad sagrada que es como una inmensa sombra. Sus líneas negras se dibujan y se mezclan con el cielo del atardecer. Sé que ese cielo me va a entender. Ahora puedo bajar de la montaña. Llevando a mi vida un pedacito de alma.

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