8.1.09

3 septembre, le livre de la jungle, bassin amazonien, Pérou

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La jungle. Espace mythique, forêt dense et passerelle de la canopée. Espace dangereux, serpents étrangleurs et gigantesques tarentules. J'ai franchi le pas : j'ai poussé la porte de l'agence Muyuna pour un séjour de quatre jours en plein bassin amazonien.

Le guide de ces quatre jours s'appelle Edouardo. Un homme tout simple, un villageois du coin, aussi jovial que bavard. Et il nous entraîne un peu partout, sa machette à la main. On marche le cœur à l'affût, l'oreille aux aguets puisque la jungle se donne d'abord par des sons étranges et confus. Ce bourdonnement grave, à quatre mètres sur la droite, c'est une ruche de grosses abeilles qui ont construit un nid de galeries souterraines. Ces cris stridents, avancez lentement, tu les vois, dans le tronc sombre qui remontent vers les branches, ce sont les singes nocturnes avec leurs yeux qui brillent, le jour ils dorment et la nuit des vrais fous. Alors on avance, en essayant de ne pas faire craquer le sol sous les pieds, en retenant sa respiration, dans l'attente d'un bruissement sourd, d'une ombre qui se déplace. Tout attentif et tout empli d'espérance, les sens en émoi pour capter le moindre petit signe de vie entre les racines et les lianes. Mon Dieu, ici vraiment cela pue le serpent, vient de passer il y a pas longtemps, attention.
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Parfois, Edouardo il se rit doucement sous sa cape, de ces Européens qui ont peur de tout et qui sont bourrés d'idées terrifiantes. "Les gars ils ont peur des piranas. Tu mets la main dans l'eau et tu ressors que les os. Bon mais non pas du tout. Tout le monde se baigne ici avec les piranas. Si tu as pas une plaie qui saigne, tu peux te baigner tranquille. Mais évidemment si tu chasses un singe sur les arbres avec la sarbacane et qui tombe dans le ruisseau, là faut te dépêcher d'aller le chercher, sinon 5 minutes après c'est un squelette que tu ressors." Alors petit à petit, on apprend à délaisser l'imaginaire des dents de la mer. On pêche et mange les piranas, et à chaque poisson on s'amuse à regarder la terrible mâchoire. Sur une branche, une grosse tarentule de la taille d'un poing à deux mètres. On sait déjà qu'elle ne nous fera rien puisque la tarentule ne pique que quand elle n'a pas d'échappatoire, par exemple au fond des chaussures. Et on admire ces petits souliers roses de princesse velue. Quant au caïman, il se chasse le soir, dans l'obscurité du crépuscule. Dans la pirogue, Edouardo éclaire le rivage et l'on devine dans le lointain deux yeux rouges, hypnotisés par cette lumière artificielle. On se rapproche doucement et soudain, d'un geste vif, Edouardo se baisse et saisit la bête encore paralysée par la torche. Ce n'est qu'un petit caïman blanc âgé d'un an, il a déjà un regard de prédateur mais sa peau est douce et sèche comme celle d'un sac à main.

J'avoue que je suis arrivée dans la jungle bourrée de petites peurs métaphysiques: le paludisme et Lariam, les innombrables moustiques, les serpents, les crocodiles, les jaguars… Mais grâce à un guide fort sympathique, la jungle m'a fait oublier mes craintes infantiles. Et m'a donné une grande leçon: que les peurs naissent de l'ignorance, qu'il suffit de faire un pas et de s'émerveiller. De s'émerveiller de l'aube qui se lève dans la canopée, des petits singes qui courent de branches en branches, du mouvement gracieux du paresseux. Des virvoltements délicats des papillons bleu, des miroirs de nénuphars dans la lumière du crépuscule. De la curiosité des dauphins gris et rose de l'Amazone, des petits souliers roses d'une araignée poilue. Des maisons en bois construits sur pilotis, du môme qui pêche le poisson chat dans une coquille de noix, du grand vol élancé de la garza blanca. Des nuits ardentes à se balancer sur un hamac, du ballet des innombrables lucioles au-dessus de la moustiquaire. De l'irréel chant nocturne des petites rainettes, mille et un grelots cristalins dans l'obscurité.

1 commentaire:

bertrand C. a dit…

géant!
tu racontes extra bien, l'ambiance est retranscripte de façon magistrale, j'en ai des frissons!
profite des derniers moments, nous sommes en 2009 et le retour est programmé!
tous mes voeux de bonheur, de découvertes
bécot d'un ch'ti: bertrand