9.1.09

24 août, les retables d'Ayacucho, Andes centrales, Pérou

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C'est une région peu fréquentée par les touristes, les hauts plateaux du Centre. Dans les années 1980, un groupe d'extrême gauche d'obédience maoïste Le Sentier Lumineux choisit les armes pour revendiquer plus d'égalité. Les Andes centrales deviennent son premier terrain d'action contre le gouvernement. La région est maudite, entraînée dans la spirale de la violence et ce n'est qu'à la fin des années 1990 qu'elle retrouve son calme. Aujourd'hui la province d'Ayacucho soigne ses plaies, enterre ses morts *et tente de rénover son image.*

Paysages de l'altiplano à perte de vue, routes de terre sans aucune barrière, l'arrivée à Ayacucho c'est un peu un acte de foi. Le bus serpente à la limite du vide, et l'on oscille entre la sensation qu'on va aller rejoindre le fond de la vallée et la rédemption de chaque virage: non on a pas versé dans l'abîme. Voyage au risque de sa propre mort, aventure ou liberté suprême d'accepter le tout pour le tout. La vie n'a pas d'assurance et là au creux des montagnes, elle est bien loin la société sécuritaire qui nous enferme dans nos maisons, nos quartiers, nos peurs.

Ayacucho, capitale des Andes centrales est une grande ville magnifique de simplicité et de sincérité. Ici l'artisanat ne s'est pas encore transformé en commerce et l'on voit encore les artisans travailler leur œuvre à la main. Le retable coloré, de la taille d'une boîte d'allumettes ou d'un grand coffre est l'artisanat typique de la région. Dans l'atelier de la famille Pizarro, Edwin nous accueille gentiment et nous explique cet art qui est toute sa vie. Dans un cadre de bois aux portes fleuries, des petites scènes religieuses, de la vie quotidienne, des coutumes populaires ou de l'histoire sont représentées. Les personnages et les objets sont moulés avec les doigts, d'une pâte composée de farine de pomme de terre, de gomme et de plâtre.


Dans son atelier poussiéreux et désordonné, Edwin explique son art et ne cherche pas à vendre. Des personnages en pâte blanche attendent encore d'être formés, il leur manque un bras, une jambe, une tête. D'autres, déjà tout colorés s'empoussièrent dans un coin de la pièce, en attendant de rentrer dans le grand cadre de bois qui abritera leurs vieux jours. Terminés, les retables sont exposés dans l'entrée, et Edwin, un des trois fils de la famille Pizarro se laisse photographier avec une fierté non dissimulée devant chacune de ses œuvres. Il évoque le temps, la patience et la lenteur nécessaires au moulage de toutes ces petites figurines de plâtre. Et ne se lasse pas d'expliquer chacune des scènes: la nativité, la marchande de fleurs et ses commères du quartier, la fête villageoise des taureaux, les petits squelettes qui jouent du charango et de la harpe andine pour chanter les joies de l'au-delà. Émotion d'un infiniment petit, c' est toute la vie d'un peuple et d'une terre qui semble tenir dans une petite boîte.
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* Entre 40000 et 60000 morts dans tout le Pérou, les Andes centrales étant la région la plus touchée
* Mon introduction n'est plus d'actualité. Le 10 octobre 2008, des rebelles du Sentier Lumineux tendent une embuscade à une colonne de camions militaires qui circulaient dans la province de Huancavelica. Bilan: 14 morts. Début janvier 2009, le mouvement annonce l'intensification de la lutte armée.

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