11.1.09

14 juillet, l'asqu jalqu'a et tarabuco, Sucre, Bolivie

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Ce n'est pas un musée comme les autres. La fonction traditionnelle d'un musée est peut-être de montrer, d'exposer et de participer à la constitution d'une connaissance universelle accessible à tous. L'Asur, fondation d'anthropologues pour la recherche et l'ethno développement, va plus loin et propose de lier le savoir à l'action.

Le musée Asur de Sucre expose les œuvres textiles des cultures indigènes Jalqu'a et Tarabuco. La fondation a également mis en place un programme de soutien à ces deux peuples qui se trouvent en situation d'extrême précarité économique. En impulsant la création d'ateliers de tissage et d'un système de commercialisation autogéré par les communautés, le programme de renaissance de l'art textile indigène a atteint ses objectifs. La vente des textiles produits assure un revenu aux familles qui tissent, brodent, tapissent pour le programme. De plus, le programme a non seulement impulsé une renaissance de l'art textile traditionnel des deux ethnies, mais a aussi conduit à une rénovation des dessins, des formes et des couleurs.

Bien souvent, l'art textile des communautés indigènes a été adapté au goût du touriste et répond à une production massive. Et l'art perd toute son authenticité. Grâce à ce programme qui vise à faire reconnaître les valeurs des cultures autochtones, les costumes n'ont pas fait l'objet d'une folklorisation, les tisseuses n'ont pas cherché à s'adapter au goût des consommateurs ni à baisser la qualité des pièces vendues. Elles sont conscientes de défendre un style, une culture, une identité.
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Chaque aqsu, grande tunique portée par les femmes, exprime une vision du monde. La partie supérieure et inférieure de l'aqsu est décorée de dessins et de formes appelés pallay. Au centre du vêtement, le tissu reste uniforme et de couleur sombre et porte le nom de pampa qui évoque la plaine et le plat d'un paysage non cultivé.

Le design de l'aqsu tarabuco représente un espace ordonné, symétrique, un monde connu, peuplé, lumineux et facilement perceptible. Les figures représentent des animaux domestiques (chevaux, poules, perdrix, chats, lamas, taureaux, insectes), les habitants du village dans leur quotidien: culture de la terre, rituels aux dieux et jeux typiques de la région.
Au contraire, le design de l'aqsu jalq'a se caractérise par son absence totale de symétrie et par une profusion de figures qui partent dans tous les sens. Sur un fond du tissu obscur,se détachent des animaux réels (lions et singes) ou bien imaginaires et sauvages. On peut y deviner le saxra, la figure du dieu à l'origine de toute création et de la naissance des espèces. Les Jalq'a, à la différence des Tarabucos, donnent forme à un univers sans axes, chaotique. Leur design s'ouvre à des espaces isolés ou souterrains, à des moments de brume et de crépuscule, où se profilent des figures irréelles et monstrueuses.
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Certes les Tarabucos connaissant également les obscurs espaces des profondeurs mais ne le focalisent pas comme thématique de leur aqsu. Les Jalqu'a possèdent également un monde quotidien avec ses vergers et ses jours de soleil, mais choisissent de représenter un espace sacré innommables et aux forces occultes. Chaque groupe sélectionne un "morceau" de sa réalité pour se donner une identité et une représentation sociale. En ce sens, les dessins tissés sont les fruits de l'imaginaire des peuples indigènes actuels qui méritent d'être compris et situés dans le grand imaginaire de l'art.
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